Djenné, comment l’approche communautaire contribue à prévenir et à lutter contre l’extrémisme violent tout en consolidant la paix ?

26 novembre 2020

Djenné, 29 Décembre 2013 – La Grande Mosquée de Djenné, plus grand bâtiment en banco du monde et Patrimoine mondial de l’UNESCO / @Photo: Sophie Ravier

Djenné est un des huit cercles que compte la région de Mopti au centre du Mali. Le cercle compte une population d'un peu près à 207 260 habitants [1]. Connu à travers le monde grâce à sa Grande mosquée qui est le plus grand édifice du monde en adobe (ou terre crue), Djenné est inscrit depuis 1988 à la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Le secteur du tourisme y était en pleine expansion jusqu'à la crise malienne de 2012 qui a favorisé la recrudescence de l'insécurité, due à une augmentation des mouvements extrémistes, des milices d'autodéfense, et conséquemment des violations massives des droits de l «Homme.

D'autres facteurs dont les failles de gouvernance, l'impunité et le manque d'opportunités surtout chez les jeunes, les rivalités socio-économiques (agriculteurs-éleveurs) ont permis que les groupes extrémistes soient de plus en plus ancrés dans les communautés locales et exploiter efficacement les dynamiques de conflit au niveau local lorsque le contrat social entre l'Etat et les communautés locales diminue progressivement.

La dernière étude réalisée par le PNUD et l'Institut Norvégien pour les Affaires Internationales (NUPI) en mai 2019 , «les facteurs locaux contribuant à l'extrémisme violent au centre du Mali» , a conclu que le sentiment de marginalisation, d'insécurité et d'injustice des communautés locales par des acteurs de la sécurité nationale et internationale, la mobilisation et à l'affichage des milices locales comme les dozos (chasseurs traditionnels) et d'autodéfense devenant progressivement extrémistes.

A Djenné, la crise ayant affaibli les institutions étatiques et aggravé les frustrations liées aux inégalités sociales a conduit les jeunes à rejoindre les groupes radicaux pour assurer leur propre protection et celle de leurs communautés et comme opportunités pour une auto prise en charge socio-économique moins que pour une idéologie religieuse.

L'approche communautaire permet ainsi de formuler une réponse à l'extrémisme violent qui soit spécifique et localisée dans la communauté afin de prévenir et de contrer efficacement les moteurs et les facilitateurs de la mobilisation de la violence extrême en se fondant sur le leadership des membres de la communauté, leurs vulnérabilités et leurs besoins.

En réponse et dans le cadre de la politique nationale et le plan d'action pour la prévention de l'extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme au Mali, entre 2029 et 2020 le PNUD a entrepris à Djenné, à travers son programme régional « Prévenir et lutter contre l'extrémisme violent en Afrique: une approche basée sur le développement »,avec deux organisations de la société civile: West Africa Network for Peace Building (WANEP) et AZHAR, des initiatives pilotes de sécurité communautaire dans les communes de Djenné, Madiama, Fakala, Dandougou Fakala, Femaye, Néma-Badenyakafo. Ces initiatives ont visé le rétablissement de la confiance aux seins des communautés en incluant tous ses membres dont les groupes d'autodéfense et les représentants de l'État ainsi que le rétablissement de la confiance entre les populations et les institutions étatiques y compris les forces de défense et de sécurité afin d'arrêter les adhésions des jeunes aux groupes armés.

Ainsi, il a été mis en place au sein des communautés dans les communes, des comités de suivi et des alertes pour prévenir et anticiper les mouvements extrémismes. Ceci a permis l'engagement de jeunes dans les initiatives socio-professionnelles et ont soutenu un cadre de dialogue avec les acteurs étatiques, des initiatives de réconciliation et de cohésion sociale avec l'appui des autorités religieuses et traditionnelles ainsi que des autorités locales pour renforcer la stabilité locale.

Selon le service local du plan et statique de Djenné, en 2018 la population de la commune de Femaye comptait 21822 habitats (10681 Hommes et 11141 femmes), avec la crise sécuritaire, les villages de cette commune se sont vidés de leurs habitants du fait des attaques des groupes extrémistes. Grace à un cadre de dialogue communautaire mis en place au niveau local pour le retour de la paix, aux pactes de cessation des hostilités entre groupes communautaires ainsi que le rétablissement de la confiance entre les forces de défense et de sécurité, plus de 3120 personnes déplacées sont retournées dans cette commune (et 5048 personnes dont 3090 femmes et 1958 enfants) ont manifesté l'intention de retourner.

Cette affirmation d'un chef de village à Djenné est une bonne analyse et un résumé de l'approche communautaire: «les constats sur les facteurs incitatifs à la violence communautaire sont les divisions au sein de nos familles qui servent de rempart pour les malfaiteurs pour recruter et enrôler nos jeunes dans les groupes extrémistes. Donc, nous avons pris conscience de cette situation et nous agissons dans une vision commune. »

[1] «Résultats provisoires du Recensement général de la population et de l'habitat 2009» [archive], sur Institut national de la statistique (Mali), 2010

Auteur: Henri Mashagiro

Chef de bureau - Mopti / PNUD Mali